Bruxelles : Les milieux d'affaires se retrouvent face à un risque de dislocation de l'Union européenne.<!-- --> | Atlantico.fr
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Les drapeaux de l'Union européenne flottent devant le bâtiment de la Commission européenne à Bruxelles, le 12 avril 2024.
Les drapeaux de l'Union européenne flottent devant le bâtiment de la Commission européenne à Bruxelles, le 12 avril 2024.
©KENZO TRIBOUILLARD / AFP

Elections européennes

Les milieux d'affaires craignent une dislocation de l'Union européenne. Les courants qui pourraient remporter les élections prônent des politiques populistes et défendent la protection des souverainetés nationales, s'opposant ainsi au renforcement de la puissance économique.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Mario Draghi, à qui l'on a demandé un diagnostic de la compétitivité en Europe assorti de prescriptions simples pour répondre aux dysfonctionnements, ne publiera pas son rapport avant les élections européennes. La publication qui devait être faite ces jours -ci aurait été contreproductive. Plutôt que de provoquer une prise de conscience des difficultés, le diagnostic établi par Mario Draghi risquait au contraire de renforcer le populisme et les projets souverainistes présentés par des partis qui ont toutes les chances de remporter les élections.

La dislocation de l'Union européenne et l'appauvrissement des Européens... Les deux phénomènes sont intimement liés.

Les milieux d'affaires sont de plus en plus convaincus que les élections européennes vont accélérer le désaccord et la dislocation de l'Union européenne, pour deux raisons : les opinions européennes n'ont pas compris que le monde est en train de s'organiser en grandes zones économiques assez homogènes qui vivent en concurrence pour attirer les talents et les capitaux.

Une zone asiatique avec la Chine en tête de pont, très proche de l'Asie-Pacifique et sans doute de la Russie, la zone américaine qui se replie de plus en plus sur elle-même, l'Amérique du Sud avec le Brésil en locomotive, et l'Afrique qui se prépare pour l'aventure du développement. Chacune de ces grandes zones géographique,  à la taille, les ressources et la démographie pour s'organiser en autonomie et se protéger. Dans ce jeu mondial, l'Union européenne est la seule zone à ne pas s'organiser, la seule où chaque partenaire essaie de jouer sa carte en pensant préserver sa survie et son avenir. L'Union européenne, qui a été construite sur la base d'une concurrence interne comme moteur de la prospérité, laquelle devait être utilisée pour financer de grands projets industriels et structurants, a tellement mal fonctionné que cette concurrence, qui devait servir de catalyseur, a été tellement judiciarisée, bureaucratisée, normée, contrôlée et finalement bridée que ce ressort s'est cassé sous le poids des intérêts nationaux.

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Il manque à l'Europe aujourd'hui la capacité de réunir les facteurs qui lui permettraient de créer une grande zone géographique à l'image de l'Amérique ou de l'Asie.

Premièrement, il lui manque l'énergie (au propre comme au figuré). Depuis un demi-siècle, chaque État membre a essayé de se doter d'une industrie énergétique qui pouvait en théorie lui assurer l'autonomie de sa culture et la compétitivité de son industrie. L'Allemagne a joué la carte d'une énergie bon marché importée de Russie sans réaliser que le gaz la liait à un régime autoritaire incompatible avec les valeurs de l'Occident. L'Allemagne a dû fermer son approvisionnement en gaz russe et trouver des fournisseurs ailleurs, principalement américains. Son modèle a ainsi perdu l’essentiel de ses forces  . La France, qui avait ,depuis l'initiative du général de Gaulle en 1958 fait le choix de se lançer dans l'industrie nucléaire, a tout bloqué sous la pression des écologistes anti-européens et des fournisseurs d'énergie fossile... Jusqu'à la crise ukrainienne, qui a rendu nécessaire l'obligation de relancer son programme nucléaire ; seul moyen de sécuriser les approvisionnements, seul moyen d'utiliser une énergie propre, mais à quel prix. L'Europe aujourd'hui n'a pas de politique énergétique commune et cohérente qui soit à la fois bon marché pour faire tourner son industrie et peu carbonée pour éviter le réchauffement climatique.

Deuxièmement, la politique économique américaine est totalement orientée aujourd'hui vers la restauration de son propre appareil de production. Totalement dans la mesure où la fiscalité, les aides publiques, les normes sociales et environnementales sont massivement mobilisées en faveur d'un protectionnisme qui attire les investissements, l'épargne et les talents du monde entier. Les USA se sont donné les moyens de protéger leur statut de pays le plus puissant du monde, économiquement, culturellement et militairement. L'Europe est incapable de construire un tel modèle.

Troisièmement, cette fragmentation fiscale, sociale, réglementaire, normative prive l'Union européenne d'une perspective de pouvoir faire face à la force américaine d'un côté ou chinoise de l'autre. Le résultat est que l'Europe n'a pas de grands projets industriels dans les secteurs clés que sont les biotechnologies, le numérique et l'espace. Son marché unique ne fonctionne pas bien, les contrôles aux frontières n’existent pas, l'épargne et la richesse sont consommées dans des dépenses courantes pour financer des modèles sociaux qui sont très fissurés, ses élites essaient de se sauver là où les conditions sont meilleures et ménagent cet avenir. Les élections européennes auraient dû offrir le cadre d'une telle réflexion et les éléments pour agir, on en est loin, les élections européennes sont le théâtre de petits débats politiciens pour protéger des petits intérêts électoraux qui n'ont pas de visions.

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